MEMOIRES DU MATRICULE 53177
Prisonnier de guerre au Stalag 2D à Stargard (Poméranie)
1940 - 1945

                                          

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1945 - SUR LE CHEMIN DU RETOUR

Nous avions d’ailleurs présumé de nos possibilités, car en raison des congères qui compliquaient notre marche, nous avions dû nous délester de plus de dix kilos de haricots secs en les semant sur tout le parcours entre Konstantinopel et Gramntzfeld, (distance trente et un kilomètres). Le facteur qui avait fait une tournée derrière nous a déclaré nous avoir suivis à la trace !

Stangue m’avait recommandé de venir à la maison pour déjeuner comme d’habitude, ce qui fut fait et cela me permit de faire des adieux assez brefs. Je ne vis d’ailleurs que le patron et Frieda qui me remis un nombre impressionnant de tartines beurrées avec chair à saucisse et un pain de seigle entier.

Je me souviens des derniers instants : mon patron me dit que la guerre n’était pas bonne et moi je lui répondis simplement « d’accord, et cette fois c’est à l’Allemagne d’être ‘kapout’ »

Nous rejoignons donc à Grammtzfeld les camarades de trois « Kommandos » ainsi que notre brave gardien qui s’efforça en vain de trouver un paysan qui consentit à se joindre à notre colonne avec un attelage qui puisse transporter nos paquets et valises (aucun ne voulait, en effet, prêter une paire de bœufs et un chariot et encore moins abandonner les siens à la dernière minute sachant pertinemment qu’il ne pourrait jamais revenir, bien qu’il ne s’agissait que d’aller jusqu’au camp de Stargard à une trentaine de kilomètres).

Finalement, avec un peu d’autorité, notre gardien obtint une paire de bœufs et un vieux chariot dont un rayon manquait à l’une des roues. C’est alors qu’un Polonais fut volontaire pour nous convoyer (chemin faisant celui-ci ne manqua pas de nous déclarer qu’il n’avait pas été volontaire pour nous rendre ce service, mais son but était de pouvoir rejoindre les Russes pour être armé et pour revenir ensuite en « justicier » à Grammtzfeld !!).

Nous partons de Grammtzfeld vers les dix heures et arrivons sur le coup de midi à Jacobshagen après avoir dû, maintes fois, pousser le chariot dont les roues se bloquaient dans la neige fraîche.

Le camarade Baugrand du « Kommando » de Grammtzfeld faisait cavalier seul, car emportant des kilos de chocolat, et quantités de paquets de cigarettes et de paquets de tabac, il s’était débrouille pour se procurer une remorque légère de boulanger.

A Jacobshagen c’était la grande pagaille. Toutes les rues étaient encombrées par des chariots de réfugiés entre lesquels se glissaient des groupes de prisonniers faisant l’impossible pour se rassembler, notamment sur la place de l’Hôtel de Ville.

Je rencontre beaucoup de camarades et en particulier Aigoud Alfred venant de Stolhzenhagen, c’est alors que nos gardiens nous avisent que tous ceux qui le désiraient pouvaient évacuer avec les familles de leurs employeurs…

C’est ce que fit Argout, car travaillant depuis le début de la captivité dans une même ferme, il se trouvait être le seul homme pouvant conduire le chariot. De plus, il savait que ce dernier était bourré de victuailles… sans parler des édredons de plumes qui lui assuraient d’être mieux couché que dans les greniers de paille ou de foin… sous les tuiles.

Je ne devais plus le revoir. J’ai su qu’il était rentré en France fin septembre 1945 après avoir fait un assez long séjour à Odessa.

Ma colonne, avec notre chariot et nos deux bœufs prend le départ vers quatorze heures pour arriver à Marienflics à dix-sept heures.

Nous couchons dans un grenier à foin – il fait moins dix environ – après s’être restaurer en ouvrant quelques boites de conserves prises dans nos réserves.

Le 7 février au matin – huit heures – nous reprenons la route sans avoir pu se raser ni se laver. Nous pouvons cependant absorber un peu de café d’orge que notre gardien a personnellement tenu à nous faire préparer dans la chaudière à bestiaux du paysan.

Plus nous approchons de Stargard, plus la circulation se fait difficile en raison des nombreux chariots de réfugiés et du fait des barrages anti-chars que des pionniers allemands établissent en de nombreux points (il s’agit généralement de profondes tranchées en chicane précédant de gros sapins disposés en longueur et reliés entre eux). Nous pouvons voir en ces endroits la Volkstrum creuser des trous individuels dans les fossés longeant la route afin de constituer (comme nous l’avons constaté aux portes de Stargard) un abri individuel pour les tireurs au bazooka anti-chars.

Nous faisons une entrée remarquée au camp de Stargard à quatorze heures, remarquée en particulier par mon ami Dercy Maurice qui vint immédiatement me rejoindre dans l’allée centrale afin de me mettre au courant des derniers évènements.

D’après ses renseignements, les Russes continueraient d’avancer en direction de Berlin et notre colonne devrait repartir le lendemain même pour se diriger vers la Baltique. Maurice ne resta qu’un court instant dans ma baraque car il était, comme beaucoup d’autres, très occupé par la confection (avec les moyens très limités du bord !) d’un chariot susceptible de lui permettre d’emmener quelques vivres pour la route. Ces petits chariots étaient trés simples : une caisse avec deux roues tirées d’un rondin de sapin et d’un liteau de traction en forme de croix.

Le lendemain 8 février au petit jour… branle bas général.

Maurice arrive essoufflé ! « Evacuation complète du camp car les Russes sont à proximité ». renseignements pris : une reconnaissance blindée russe avait pénétré sur le terrain d’aviation militaire de Klutzow (distant de quatre kilomètres du camp).

A partir de ce moment ce fut une ruée générale sur toutes les réserves du camp (vivres et chaussures en particulier). Des russes prisonniers, normalement rassemblés dans une enceinte spéciale du camp s’infiltrent parmi nous et récupèrent de pleins sacs de boites de conserves jonchant le sol de nos baraques. Les Allemands du camp sont invisibles… Adieu la discipline tracassière qu’ils faisaient régner il y a quelque jours seulement !

Tout le monde se débrouille… et c’est ainsi que la « mafia » du camp (c’est à dire les policiers, les artistes, les magasiniers), ont réussi (avec l’assentiment des Allemands sans doute !) à se procurer des chariots à quatre roues (genre chariots de gare) pour transporter leurs fourniments.

En ce qui me concerne j’ai fait confiance à mes épaules et à mes jambes. J’ai disposé le plus lourd dans un sac de soldat russe, le léger étant contenu dans une seule valise.

Après un laborieux et hétéroclite rassemblement, une longue colonne commence à sortir du camp à douze heures… mais surprise, pour se diriger vers la route nationale de Stettin en empruntant le chemin le plus court, c’est à dire les marécages situés entre cette route et le stalag. C’est alors que l’inévitable se produit : l’enlisement de tous les chariots et en particulier des plus lourdement chargés… tels ceux de la « mafia ». C’est le sauve qui peut et l’abandon de beaucoup de choses dans les marécages !

On se retrouve donc sur cette fameuse route complètement absorbés par un flot de blindés allemands et de pièces d’artillerie (certaines pièces sont d’ailleurs déjà mises en batterie au travers de la route).

Nous devons donc marcher péniblement dans les champs longeant la route ! C’est plus que fatiguant lorsque les terrains sont détrempés, que l’on porte un lourd sac sur le dos et que l’on a une valise au bras !!

C’était ma situation et je sentais bien que je ne pourrais pas aller très loin dans de telles conditions. C’est alors que le Providence intervint !

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