MEMOIRES DU MATRICULE 53177
Prisonnier de guerre au Stalag 2D à Stargard (Poméranie)
1940 - 1945

                                          

ACCUEIL
SERVICES
1940
1940
La capture
1940
Travail en kommando
1941
1942
L'évasion
1942
Repris
1942
En cellule
1942
Retour au kommando
1942
Ils l'ont dans l'cul
Chant
1943
1943
Vie quotidienne
1943
Petite revanche
1943
Histoires de femmes
1943
Nourriture
1943
Travailler plus
1944
La Libération approche
1945
Les russes approchent
1945
Sur le chemin du retour
1945
Une brouette providentielle
1945
Sur la route
1945
La déroute
1945
Les russes arrivent
1945
Libre mais loin
1945
Les américains
1945
Le train de la liberté
19 Ko
Trajet retour
Carte 48 Ko
Les tarots
Monnaie de camp
Ecrire à l'auteur

 

1945 - UNE BROUETTE PROVIDENTIELLE

Notre colonne se trouva stoppée dans la traversée de la petite bourgade de Maduzée, à proximité immédiate d’une colonne de camions allemands déjà, elle aussi, stoppée sans doute pour la même cause.

Je profitais de cet arrêt qui paraissait se prolonger pour décrocher mon sac en l’appuyant sur le capot de l’un des camions… puis je cherchais quelque cigarettes et du chocolat. Mes gestes avaient été suivis par un soldat allemand qui avait sans doute compris que j’étais assez fatigué ! C’est alors que, sans explication, il me fit signe de le suivre dans le jardin de la propriété voisine…et me montra, remisée dans un petit cabanon, une espèce de brouette dont on apercevait seulement les brancards dressés au milieu d’objets divers. Avec le concours de cet allemand, je réussi à dégager cette brouette de maçon pour m’apercevoir… trois fois hélas, que la roue, constitué par un feuillard métallique et des rayons rivés, était à la limite d’usure… Ce providentiel soldat allemand s’en était bien, lui aussi, rendu compte. Aussi ne tarda t-il pas à m’apporter un avant train de chariot « type alsacien » qui, placé sous la brouette (le timon maintenu, à l’aide de mon ceinturon, à la ferme transversale constituait les pieds de la brouette) permit à celle-ci de rouler ! Cela valait bien un paquet de cigarettes américaines et une barre de chocolat américain ! C’est sans doute ce que ce militaire attendait de moi.

A partir de ce moment, je me sentis plus confiant, et j’arrivais sans trop de fatigue dans le petit village de Brandebourg, ou je devais terminer cette première étape à seize heures.

Deuxième nuit passée dans la paille après nous être restaurés  tant bien que mal, avec nos conserves et des pommes de terre réquisitionnées à notre intention, nous partons en direction de Stettin le 9 février à huit heures pour faire halte à Carow (banlieue de Stettin) à dix sept heures.

Nous ne repartons de Carow que le 17 février à huit heures.

J’ai tout de suite été sollicité par deux camarades pour profiter de la brouette, ce que je ne pouvais refuser, à condition qu’ils tirent le chargement au moyen d’une corde fixée à l’avant. Les chemins empruntés étaient très mal pavés, et les fusées des deux roues eurent à en souffrir. C’est tout juste si je pus néanmoins terminer l’étape en allégeant un peu la brouette. Enfin la colonne stoppa à Hohenfeld à seize heures trente.

A l’arrivée, ma première occupation fut de faire une réparation de fortune avec des accessoires de robinetterie trouvés chez un plombier serrurier du village. Je finis assez tard et la plupart des camarades avaient mangé et étaient déjà couchés dans le foin. Après avoir absorbé une gamelle de soupe que m’avaient laissée les camarades de mon petit groupe, je dû renoncer à les rejoindre dans le grenier, car sans lumière j’aurais écrasé bon nombre de « ventres ». Aussi j’ai pris la résolution de m’allonger dans la mangeoire des vaches. Ce n’était pas plus mal, car j’étais au chaud bien que je me serais passé des coups de langue que me donnaient de temps en temps les vaches, étonnées sans doute de voir devant-elles ce gros paquet de linge.

Départ de Hohenfeld le 12 février à huit heures trente ; nous stoppons à Cazelow à quinze heures trente, où nous aurons le temps de bien nous restaurer et de se préparer un bon trou dans la paille pour avoir le plus chaud possible au cours de la nuit.

Départ de Cazelow le 13 février à huit heures. Notre colonne contourne Prenslau pour s’arrêter dans le petit village de Mecklinn. C’est là que, profitant de l’accord d’un maréchal-ferrant, j’utilisais son atelier pour perfectionner ma brouette et pour parfaire la réparation de fortune faite à Hohenfeld.

Je commençais par supprimer la propre roue de la brouette, puisque plus gênante qu’autre chose, et je disposais à sa place un espèce de bouclier en tôle qui, chargé, devait me permettre d’équilibrer la charge sur les deux roues médianes. A l’expérience, l’idée s’avéra concluante ; dés lors mon rôle se limita à guider la brouette et non plus à porter une partie du chargement.

Nous ne repartons de Mecklin que le 15 février à huit heures, après un repos de vingt quatre heures.

La colonne fait étape à Schenchauss, plus précisément dans les bâtiments agricoles d’une grosse ferme ; nous prenons soi-disant la succession de multiples colonnes de prisonniers russes… Des immondices partout… Des choux-raves pourris notamment et bien d’autres déjections ou excréments aussi bien à l’intérieur des bâtiments qu’à l’extérieur.

La nuit vite venue complique la situation et il n’est pas possible de pouvoir trouver un coin pour pouvoir se reposer. A la faveur de l’obscurité notre petit groupe décide d’atteindre un hangar que nous avions repéré dès notre arrivée, à quelques cinq cents mètres de la ferme, en plein champ. Ce hangar, partiellement fermé sur les cotés, est rempli de paille d’orge non battue (la batteuse est restée à proximité du hangar), toute la surface étant couverte d’une mince couche de neige. Qu’importe, il vaut encore mieux dormir dans de hangar d’orge humide, que d’être dans les conditions infectes que je viens de citer.

Assez proche de ce hangar se trouve une ancienne petite carrière de sable, dans laquelle, parmi quelques buissons se trouvent encore quelques wagonnets sur éléments de voie de soixante. J’eu l’idée de profiter de ce relatif isolement pour essayer de reforger l’axe des deux roues de ma brouette, car j’avais, au cours de l’étape, préjugé de la charge que pouvait supporter celui-ci (j’étais en effet très souvent sollicité pour décharger certains camarades vraiment à bout de souffle. Comment refuser ?).

J’allumais un feu de bois mort dans l’un des wagonnets renversés, me servant ainsi d’abri contre le vent… Car la Baltique se fait sentir. C’est alors qu’alerté par les camarades qui s’organisaient sous le hangar, je réalisais que nos gardiens tiraient dans ma direction, pour me faire comprendre d’éteindre ce feu qui pouvait constituer un point de repère pour l’aviation ennemie.

Je n’insistais pas… mais j’avais déjà redressé l’axe en question, ce qui était le principal.

Suite