1943 - LA VIE QUOTIDIENNE EST DIFFICILE...
mais on s'arrange.
Si
mes services n’avaient pas été pleinement appréciés par le sieur Tangue,
il est fort probable que dans les premiers mois de cette année, j’aurais été
embarqué pour le « Kommando » disciplinaire de Vudargue (« Kommando »
spécialisé, hiver comme été, dans le drainage de marécages… pas de
bottes, bien entendu, sinon trouées… ! Des sabots aux pieds … !)
En
effet, à la suite d’une altercation très vive avec le Maire (le sieur
Neumann, « Baweurfurher ») à propos de photographies de famille
distraites par des gosses de notre courrier – il faut dire qu’en l’absence
de notre gardien civil Albert, notre courrier était purement et simplement déposé
sur le seuil de la porte par le facteur – Neumann se jura de me faire payer
cher cette insubordination !
Quoi
de mieux que de m’expédier au « Kommando » disciplinaire ?
Toutefois,
il ne voulait pas prendre cette décision sans en parler à mon patron (ancien
Maire – son grand ami). Stangue ne fut pas d’accord car me connaissant, il
savait ce qu’il tenait, alors que, devant être automatiquement remplacé par
un prisonnier extrait de Vudargue, il ne pouvait savoir sur quel « numéro »
extraordinaire il risquait de tomber.
C’est
bien pourquoi, un beau matin, à ma grande surprise, mon matricule ne fut pas
cité lorsque le gardien militaire de Gramnitzfeld désigna deux camarades pour
Vudargue. L’un était le coéquipier de Paul Hébert, lequel avait trop fait
comprendre à Neumann son penchant pour un succès final de la Russie, l’autre
avait été pistonné par sa patronne qui le trouvait par trop gênant et peut-être
compromettant !!
Neumann,
ce gros profiteur n’était pas toujours régulier avec ses deux « esclaves »
en particulier avec l’ami Bouche qui, trop pondéré, se permettait, en général
calmement, de dire ce qu’il pensait à ce gros nazi !
Au
cours de l’année se situe une histoire que je crois devoir relater, bien que
ne me concernant pas personnellement, comme susceptible de montrer qu’en
Allemagne, il existait quand même, dans ce contexte de guerre, quelques éléments
ayant conservé un sens humain et anti-nazi, d’un esprit et d’une
intelligence digne d’être enviés par nous autres Français. Je dirais tout
de suite qu’il s’agit de notre gardien militaire du moment.
Un
certain jour d’automne, le gros travail à la ferme Neumann consistait à
mener le fumier dans les champs. Cela durait d’ailleurs depuis plus d’une
semaine. Bien entendu le patron s’était chargé du charroi, tâche peu
fatigante ! Bouche chargeait les chariots à la ferme et l’autre camarade
épandait le fumier dans les champs.
Neumann
avait combiné le travail de manière que, de retour avec un chariot vide,
Bouche ait à peine terminé le nouveau chargement (pas de temps perdu et
c’est une façon de talonner l’esclave) !
La
nuit étant venue et les soins de fin de journée restant à donner au bétail,
Bouche refusa de charger un dernier chariot qui, ainsi, aurait été prêt pour
le lendemain matin. Coup de gueule du « chef » qui crû bien faire
en sortant un pistolet !
Sans
s’énerver, Bouche quitta la cour de ferme et partit rendre compte de cette
menace à notre gardien militaire à Gramntzfeld.
Celui-ci
comprit tout de suite qu’il lui fallait ménager la chèvre et le chou, (il ne
faut pas oublier que, compte tenu de sa position dans les S. A. , Neumann,
non satisfait du gardien, aurait-pu le faire muter ou encore le faire partir
pour le front russe. On commençait à vider les fonds de tiroirs !! )
et propose à Bouche le stratagème suivant : « Je vais te reconduire
manu-militari à Konstantinopel où tu devras tout de même consentir à charger
ce chariot. Mais attention… Il ne faudra y consentir que lorsque j’aurai dégainé
mon revolver avec quelques ‘Lors – Raust’. Neumann sera ainsi très
satisfait. Quand à toi, je te garantis que ce sera véritablement le dernier
chariot car tu ne travailleras plus chez ce patron !! »
Tout
se passa ainsi, et le camarade Bouche nous quitta pour être placé dans une
petite ferme (la patronne, la fille, une vache, deux cochons et un cheval) où
il fit office de patron ! C’est notre gardien qui avait arrangé cela
auprès de la compagnie à Jacobhagen.
Au cours de cette année, l’économie de guerre était
de plus en plus stricte et les civils commençaient à manquer un peu de tout,
encore qu’à la campagne la vie soit plus facile qu’en ville. Le prisonnier
français avec ses sardines, son chocolat, etc., était souvent mieux servi que
le civil allemand avec ses marks. C’est ainsi par exemple que le dentiste de
Jacobshagen me fit quelques plombages sérieux en utilisant des produits
d’avant guerre qu’il réservaient aux Français !
Suite
Lien
Prisonnier
de Guerre 40-45
Stalag XIIIA et XIIID avec des documents officiels d’époque
olijuseb.free.fr/passeport.htm
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Lettre
d'un prisonnier permissionnaire
Lettre d'un prisonnier
permissionnaire à son copain resté en Allemagne
olijuseb.free.fr/courrier.htm
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