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1943 - PETITE REVANCHE
Chaque
fois que nous avions l’occasion, nous ne manquions pas de mortifier l’Allemand
en lui faisant comprendre que le Français pouvait encore, dans une certaine
mesure, jouir de l’existence alors que lui, Allemand, n’était bon qu’à
subir des privations de plus en plus nombreuses et affligeantes. Un
certain jour, en pleine moisson, l’occasion se présenta qui me permit ainsi
d’atteindre les deux nièces du patron au plus profond de leurs sentiments
pro-nazi. J’avais reçu, il y avait deux ou trois jours, treize montres
bracelets de la maison Sarda de Besançon. En attendant le prochain dimanche
pour procéder à leur répartition par tirage, toutes ces montres étaient déposées
dans la chambre du Polonais travaillant avec moi chez Staugue (chambre dans
laquelle j’avais également quelques affaires, mises ainsi à l’abri du
regard indiscret de l’adjudant de contrôle). Tout
en déchargeant les voitures de gerbes, nous parlions, les deux nièces et moi,
de la guerre et de ses conséquences en particulier. J’orientais la
conversation sur les montres-bracelets… qu’elles ne manqueraient
certainement pas d’avoir à leurs poignets si elles étaient Françaises !
Les prisonniers français eux-mêmes n’en avaient-ils pas des collections
susceptibles de leur permettre de changer de modèle chaque semaine ? Par
exemple, leur dis-je, moi-même en possède une bonne douzaine que je néglige
de porter ! Pour être cru, il me fut facile, entre deux voitures, d’en
apporter la preuve tangible ! Voyant toutes ces montres, elles n’en
voulurent croire leurs yeux… et je dû en prélever quelques unes au hasard
pour leur démontrer qu’il s’agissait bien de montres en bon état de marche !
Le lendemain cette révélation avait fait le tour du pays, en provoquant les
commentaires que l’on conçoit ! |