MEMOIRES DU MATRICULE 53177
Prisonnier de guerre au Stalag 2D à Stargard (Poméranie)
1940 - 1945

                                          

ACCUEIL
SERVICES
1940
1940
La capture
1940
Travail en kommando
1941
1942
L'évasion
1942
Repris
1942
En cellule
1942
Retour au kommando
1942
Ils l'ont dans l'cul
Chant
1943
1943
Vie quotidienne
1943
Petite revanche
1943
Histoires de femmes
1943
Nourriture
1943
Travailler plus
1944
La Libération approche
1945
Les russes approchent
1945
Sur le chemin du retour
1945
Une brouette providentielle
1945
Sur la route
1945
La déroute
1945
Les russes arrivent
1945
Libre mais loin
1945
Les américains
1945
Le train de la liberté
19 Ko
Trajet retour
Carte 48 Ko
Les tarots
Monnaie de camp
Ecrire à l'auteur

 

 

1944


La place du village de Konstantinopel et Albert Beyer, le gardien civil

L’hiver s’achève sur une note très optimiste avec la défaite de Stalingrad. A ma ferme, le drapeau toujours en bonne position au droit de la fenêtre du grenier n’est pas sorti depuis longtemps car les victoires des troupes allemandes sont devenues inexistantes (on ne pavoise pas pour les replis élastiques !).

On racle les fonds de tiroirs. Notre gardien civil, « L’Albert » a été mobilisé et expédié en Russie où il sera tué. Neumann, le Maire est également parti pour le front russe malgré ses cinq enfants et ses fonctions au sein du parti. Mon patron le remplace en reprenant ainsi ses anciennes prérogatives. Tout cela, y compris la création de la « Volktrum » (armée du peuple) sans oublier l’attentat du 24 juillet contre Hitler contribue à créer dans notre petit « Kommando » une ambiance de plus en plus confiante.

Mais hélas, Hitler ne paraît pas encore à bout de souffle. Bien au contraire, l’attentat manqué et les représailles terribles et horribles qui ont suivie ont, semble-t-il, terrorisé le peuple. L’armée… celle-ci résistera peut-être jusqu’au dernier homme ? Nous nous posons souvent la question et nous nous demandons comment cela pourra-t-il finir pour nous qui sommes dans une région qui sera tôt ou tard envahie par les Russes.

Aussi, après quelques vaines tentatives destinées sans doute à tromper la vigilance des Allemands, voici venu le débarquement des alliés en Normandie. Cette fois « c’est du sérieux ».

Nous affichons immédiatement une carte de France et fabriquons des petits drapeaux destinés à jalonner l’avance quotidienne des troupes alliées . Notre enthousiasme du début fut vite calmé car nos petits drapeaux firent du sur-place pendant de longs jours. Le moral était malgré tout à l’optimisme. Cependant le camarade Paul Hebert était assez anxieux car Caen, la ville où résidait sa famille, se trouvait au cœur des opérations et nous savions par les Allemands que cette ville était à quatre-vingt-dix pour cent détruite.

Et puis ce fut la libération de Paris et enfin l’arrivée des Français de Leclerc à Strasbourg, mais on sentait que le nazisme n’était pas encore abattu. Cela se confirma à Bastogne.

Lorsque commença une nouvelle campagne de pommes de terre, on se résigna tous à passer une dernier hiver en Poméranie. Mais un dernier à coup sûr.

Les civils allemands, et en particulier mon patron, avaient perdu le sourire. Mais certains demeuraient encore confiants en l’étoile de Hitler. On commença à percevoir de sinistres roulements, échos des « orgues de Staline » qui tiraient dans la région de Scheidemühl.

Les visites de notre « brave » gardien étaient de plus en plus fréquentes, non pas pour faire un excès de zèle, mais tout simplement pour s’entretenir avec nous tous de la situation militaire. Car pour lui, le grand problème était de sauver sa peau au premier contact qu’il aurait avec les troupes russes. Mais voilà, dans quelles conditions s’effectuerait le contact ? Aurai-t-il la possibilité d’abandonner sa tenue militaire avant d’être capturé par les Russes ?

Autant de questions qu’il ne cessait de se poser et auxquelles nous ne pouvions également répondre.

Quand aux paysans de Konstantinopel, ils ne faisaient encore aucun préparatif de départ, écoutant avec confiance, semble-t-il, l’avis de leur maire (mon patron Stangue) car pour lui, les Russes pourraient peut-être envahir l’Allemagne, occuper Berlin… mais jamais un Russe ne pourrait mettre le pied sur le territoire de sa commune !

Cependant, certains n’étaient pas sans se méprendre sur la gravité de la situation et sur l’évacuation du pays qui ne pouvait manquer d’être, sous peu, ordonnée par les autorités. C’est ainsi que le « Père Webert » (le patron de mon ami Paul Hebert) qui n’était pas un tenant du nazisme, faisait, en cachette (toutes portes de grange fermées), préparer un chariot par cet ami Paul (graissage des roues, bâche, …).

C’est donc dans cette atmosphère hantée par l’arrivée prochaine des Russes que les paysans du village vécurent la période de Noël et du Nouvel An.

Malgré tout, on prépare – sans éclat – les traditionnels gâteaux. Mais ce devait être la dernière fois que mon patron devait me demander de préparer les fagots pour chauffer le four.

Bien sûr, l’ambiance dans la baraque était toute autre !! Et chaque journée se terminant par de longs et bruyants échanges de vues sur la situation et plus particulièrement sur les nouvelles de dernière heure que Léon tenait très souvent de ses patrons (la patronne se confiait en effet souvent à lui).

Les fêtes de fin d’année furent dignement fêtées. Beaucoup d’éclats, de chants… Ce qui, le lendemain, donna lieu à certaines remarques, plutôt aigres-douces, de quelque paysans.

La vie était belle, la libération par les Russes était proche. Mais comment allait-elle s’effectuer ?

Et comment allions nous retourner en France ?

Suite