MEMOIRES DU MATRICULE 53177
Prisonnier de guerre au Stalag 2D à Stargard (Poméranie)
1940 - 1945

                                          

ACCUEIL
SERVICES
1940
1940
La capture
1940
Travail en kommando
1941
1942
L'évasion
1942
Repris
1942
En cellule
1942
Retour au kommando
1942
Ils l'ont dans l'cul
Chant
1943
1943
Vie quotidienne
1943
Petite revanche
1943
Histoires de femmes
1943
Nourriture
1943
Travailler plus
1944
La Libération approche
1945
Les russes approchent
1945
Sur le chemin du retour
1945
Une brouette providentielle
1945
Sur la route
1945
La déroute
1945
Les russes arrivent
1945
Libre mais loin
1945
Les américains
1945
Le train de la liberté
19 Ko
Trajet retour
Carte 48 Ko
Les tarots
Monnaie de camp
Ecrire à l'auteur

 

1943 - HISTOIRES DE FEMMES

J’ai dit précédemment que le « Kommando » de Constantinopel était très uni, jusqu’au jour ou François D... et Camille L... eurent entre eux une petite histoire (l’unique en son genre qui eut lieu à Konstantinopel) que je crois devoir relater bien que ma participation se limite au modeste et peu excitant rôle de médiateur.

Par suite de bombardements de plus en plus violents, Stettin, comme la plupart des grandes villes, était chaque jour de plus en plus désertée par les femmes et les enfants qui trouvaient refuge chez le paysan de la région. C’est ainsi qu’une jeune femme d’un abord assez facile et d’une allure très affranchie … fut recueillie par un petit cultivateur du village chez lequel travaillait alternativement – une semaine non l’autre – Camille et François.

L’arrivée de cette femme se fit pendant la présence de Camille qui, comme on dit, « chauffa le four »… mais c’est hélas François qui, la semaine suivante, « enfourna ». Bien entendu, ce ne fut pas du goût de Camille qui, fort en colère, et sans mesurer la portée de sa menace, jura de se venger le lendemain matin même, en portant à la connaissance du Maire (Neumann) le comportement coupable du Français avec une fille de quinze ans du service du travail obligatoire, engagée dans une ferme voisine de la baraque du « Kommando ».

François, marié, père de deux enfants, mesura tout de suite la gravité d’une telle dénonciation (un tel acte aggravé par la compromission d’une mineure pouvait en effet lui valoir cinq années de forteresse !) et, très décidé, répondit simplement « Camille, si tu fais cela, tu es un homme mort ! » Après m’être assuré, d’un coté comme de l’autre, du sérieux de la situation, je proposais au cours de la nuit la solution toute simple que voici :  « Puisque, dis-je à François, tu es si bien avec cette femme, mets la au courant des menaces de Camille et des peines de justice qu’elle encourt (cheveux coupés en public et prison pour une durée indéterminée… c’est à dire travail forcé en temps de guerre). Après quoi propose lui le partage équitable que l’on devine, c’est à dire le partage équitable de ses charmes avec Camille.

C’est ce qui fut fait. Et dans les vingt-quatre heures l’incident fut clos !

Cette vie de « Kommando » continua malgré tout, dans une atmosphère amicale agrémentée et entretenue par des repas organisés et pris en commun dans la baraque certains dimanches (il fallait bien utiliser les colis) et par quelques petites fêtes qui marquaient généralement un fait de guerre favorable, et auxquels assistaient quelques camarades du « Kommando » voisin de Gramnitzfeld. Je profitais souvent des dimanches après-midi (avant dix-sept heures, heure à laquelle je devais aller à la ferme soigner les vaches) pour me promener en campagne et visiter les camarades des « Kommandos » voisins.

C’est ainsi que j’allais souvent à la ferme de Vaucoule porter du pain (récupéré pendant la semaine) et des œufs (« volés » dans certains nids isolés chez Staugue) à deux camarades qui faisaient notamment partie de ce « Kommando » disciplinaire de forêt formé de Français venant du camp disciplinaire de Rawa Ruska (camp évacué devant l’avance russe).

Ce « Kommando », en principe hermétiquement fermé, était gardé par un soldat habitant à la ferme et qui, les dimanches, était fort occupé avec la femme du patron de la ferme, lequel était bien entendu mobilisé.

Aussi, en me présentant « impeccablement » et très respectueusement, il avait très vite consenti, pour ne pas être trop importuné, à m’enfermer purement et simplement avec les membres du « Kommando », ce qui permettait à mes deux copains de préparer en toute tranquillité et de déguster une bonne omelette aux pommes de terre en utilisant mes œufs et mon pain.

Suite