MEMOIRES DU MATRICULE 53177
Prisonnier de guerre au Stalag 2D à Stargard (Poméranie)
1940 - 1945

                                          

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Le train de la liberté
19 Ko
Trajet retour
Carte 48 Ko
Les tarots
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1945 - LE TRAIN DE LA LIBERTE

L’image de ce train restera toujours gravé dans mon esprit. Ce n’était qu’un amas d’oriflammes, de serpentins, branches de sapin accrochées de toute part. L’embarquement fut vite fait mais nous devrons rester sur place plus de deux heures. Enfin nous partons. Je fais personnellement mes adieux à ce Polonais dont je viens de parler. Nous ferons vingt kilomètres à l’heure, la machine sifflera continuellement et nous nous arrêterons de multiples fois en pleine nature, à tous les passages à niveau, pour récupérer le plus possible de monde, car beaucoup de ceux qui n’ont pas eu la patiente d’attendre couraient maintenant à travers les prés pour sauter dans le train. A un certain moment, jugeant sans doute que le plein était fait, voici notre train qui recule… pour finalement revenir à la gare de départ, vers les seize heures !

Sans perdre trop de temps nous repartons de l’avant en empruntant cette fois l’autre branche de l’Y (voir croquis) ; à dix-sept heures environ le 10 mai, nous arrivons Salzwedel

Nous sommes reçus par les Américains dans une caserne récente et moderne. Après une distribution de vivres et un épouillage à la poudre DDT, nous sommes répartis dans les différentes chambres (quatre lits superposés dans ma chambre). Nous apprécions le changement.

Le lendemain 11 mai c’est la prise d’assaut des lavabos ! Puis on fera un petit tour dans les grandes cours de la caserne où nous constaterons que les prisonniers russes, libérés par leurs frères, sont à nouveau rassemblés et bien gardés par ceux-ci. Nous apprenons aussi qu’Hitler aurait capitulé le 8 mai ?? Mais sans plus de détails.

Au cours de l’après-midi, grand rassemblement en vue du départ direct pour la France. Une longue colonne s’ébranle pour se diriger en dehors de la ville et bientôt nous longerons la voie ferrée où stationne un train de marchandises. Nous serons répartis dans ce train à raison d’une vingtaine par wagon, après avoir reçu individuellement une ration de vivres n° 5 je crois. Je suis embarqué avec mes camarades de route sur un wagon-tombereau découvert. En fin d’après-midi c’est le départ.

Ce train s’arrête très souvent et, la plupart du temps il marche à vue. Vitesse vingt à trente kilomètres-heure. Sur la locomotive se trouvent notamment deux militaires américains responsables du convoi. La nuit, ils tirent des fusées rouges ou vertes selon que le train est arrêté ou qu’il continue sa marche prudente. Des arrêts indispensables sont faits en pleine nature ainsi que dans certaines gares pour le ravitaillement en eau. Ces gares ont, pour la plupart, complètement dévastées, ce qui nous permit de récupérer quelques planches que nous disposons en travers sur les cotés du wagon, fournissant ainsi des sièges bien à la hauteur !

Le Rhin sera traversé en pleine nuit sur un pont présentant à l’endroit de sa destruction de simples longrines pour supporter les rails. Drôle d’effet pour nous qui sommes assis les jambes pendantes dans le vide !!

Le 15 mai dans l’après midi nous débarquons en gare de Charleville où nous sommes aussitôt accueillis dans un centre très bien organisé. Malgré cela, en raison du nombre, je devrai dormir comme beaucoup d’autres, directement sur le parquet d’une grande pièce. La plupart d’entre nous, et moi en particulier, sont atteints d’« éléphantisme » … disions nous. Nous avons, en effet, avec nos chevilles enflées, de véritables pattes d’éléphant. C’est la conséquence, d’après les « toubibs », de notre station très prolongée les jambes pendantes.

De suite se sont les formalités administratives et militaires, comportant notamment une enquête individuelle et l’établissement de la carte de rapatrié

Il y a aussi une distribution de vivres par de charmantes filles dont la coiffure à la mode de l’époque (très haut sur le visage) nous étonne tous.

Le 16 mai au matin c’est le grand départ. Notre train dont la composition est celle d’un train voyageurs omnibus (je passe sur les nombreuses vitres cassées et remplacées par de la toile huilée) doit atteindre Marseille avec de multiples arrêts. Nous passons par Reims, Vitry-le-François, Chaumont et c’est alors que je me rendis compte que passant forcément par Dijon nous devions obligatoirement emprunter la ligne de Chalindry-Is-sur-Tille et par conséquent, passer en gare de Vaux-sous-Aubigny, village où résidaient mes parents. Je préparais un mot pour prévenir mon père de mon rapatriement sur Vaison. Je plaçais ce papier dans une boite de Nescafé que je lançais au passage en gare de Vaux, dans la direction d’un agent de la gare qui, justement, regardait le train passer.

Je devais savoir plus tard que la boite était bien arrivée à destination tranquillisant ainsi mes parents qui étaient sans nouvelles de moi depuis la fin 1944.

 

Carte de rapatrié de l’auteur

 

Le 17 mai, vers neuf heures, je descends du train en gare d’Orange … Ouf !!

De suite, la gare d’Orange s’est mise en relation téléphonique avec la Mairie de Vaison, et, dans l’heure qui suivit, une voiture venait spécialement de Vaison pour me conduire à domicile.

Ainsi à onze heures du matin ce jeudi 17 mai 1945, je retrouvais les miens après une absence de plus de soixante deux mois.

Ma dernière permission datait en effet du mardi 27 février 1940.

Je n’avais, dit-on, pas beaucoup changé… si ce n’est le coté vestimentaire… assez hétéroclite : pantalon français, veste italienne, capote polonaise, bottes russes et tête nue (j’avais en effet jugé prudent d’abandonner, dès mes premiers contacts avec les Russes, le bonnet de police allemand qui me servait de coiffure !!)

Je signalerai, en terminant, que le fait d’avoir éviter Odessa, grâce à notre initiative, notre ruse (et, il faut le dire, servi par la chance), m’a personnellement permis d’arriver quatre mois plus tôt à Vaison. J’ai su en effet que mon ami Alfred Argoud auquel j’ai fait allusion page 68 n’est rentré à Peyrus (Drôme) via Odessa que vers le 15 septembre.

FIN

Annexes

Trajet retour
Carte ( 48 Ko)

Les tarots
Monnaie de camp
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Lien

Site de l’Ina : vidéos de la guerre 1940 - 1944
La relève – Arrivée de prisonniers – 5 min 51 sec
www.ina.fr/voir_revoir/guerre/mondiales/42-107.fr.html